Comment sélectionner les meilleurs fonds de dette privée ?
Pour ce deuxième numéro d’Horizon Private Equity, Stéphane Molère recoit Pierre-Olivier Desplanches, Cofondateur et Directeur Général d'Archinvest pour parler d'un sujet encore peu connu dans l'univers du private asset : la dette privée. Pourquoi cette classe d'actifs attire-t-elle de plus en plus d'investisseurs ? Quels sont ses avantages, ses risques et son positionnement dans le contexte actuel ?
Est-ce que, rapidement, tu peux revenir sur ton parcours et nous parler d'Archinvest ?
Pierre-Olivier Desplanches : Oui, bien sûr. Archinvest, c'est une plateforme digitale d'investissement qui permet à des investisseurs particuliers d'investir via leur gestionnaire de fortune dans des fonds Private Equity de premier plan et des fonds de dettes privées. L'idée est de faire une sélection pour nos investisseurs des fonds les plus difficiles d'accès, qui ont performé sur une très longue période et qui sont établis depuis de nombreuses générations. Nous sélectionnons d'abord les stratégies que nous considérons comme pertinentes compte tenu de l'environnement de marché. Aujourd'hui, nous en avons sélectionné trois : du LBO primaire, du secondaire et de la dette privée, dont nous allons parler aujourd'hui. L'univers du Private Asset comprend l'equity, la dette, l'infrastructure et éventuellement même l'immobilier.
Quelle place occupe la dette privée dans l'écosystème du Private Asset ?
P-O.D : Il faut revenir à l'origine de la naissance de ces fonds de dettes privées. Si nous nous replacons avant 2009-2010, lorsque nous financions une opération de LBO, nous nous adressions à des banques traditionnelles. C'étaient des sociétés spécialisées au sein des banques, comme Société Générale, BNP, Crédit Lyonnais, avec des équipes dédiées au financement de LBO. Puis, en 2009-2010, la crise mondiale est arrivée. Au-delà de la visibilité qui était très mauvaise et des banques devenues relativement frileuses, il y a aussi Bâle III qui leur a imposé des contraintes très fortes pour financer du private equity en termes de consommation de cash sur leur bilan. La nature ayant horreur du vide, alors que les fonds de Private Equity restaient actifs même en 2009-2010 assez agiles pour monter des opérations de LBO, certaines personnes ont vu une opportunité et ont décidé de créer des fonds de dette privée sur le même modèle qu'un fonds de Private Equity, sauf qu'au lieu de financer la partie capital du LBO, ils allaient financer la partie dette.
Les fonds de dette privée ne financent donc que du LBO dans l'univers du Private Asset ?
P-O.D : Les fonds de dettes privées que nous accompagnons sont des fonds qui financent uniquement des opérations de LBO sur la base d'une tranche de dette unique que nous appelons unitranche. Les fonds que nous avons sélectionnés, dont nous reparlerons tout à l'heure, sont principalement axés sur de la dette senior.
Peux-tu nous expliquer les différents types de dettes et pourquoi tu te positionnes sur la dette dite senior ?
P-O.D : Effectivement, la moins risquée est la dette senior. Pourquoi ? Parce que tu es le premier à être remboursé lorsque la société est vendue. Ensuite, tu as des dettes qu'on appelle junior ou mezzanine. Donc, tu passes derrière la dette senior. Donc, évidemment, si ça ne s'est pas très bien passé, nous allons d'abord rembourser la dette senior. Et s'il en reste, nous rembourserons la dette subordonnée. Et puis, s'il en reste, nous rembourserons le capital. Donc, si nous regardons la structure de financement dans un LBO, effectivement, la dette senior est la partie la moins risquée du montage, parce que nous sommes les premiers à être remboursés.
Aujourd'hui, dans l'univers actuel, si je suis une entreprise et que je fais un LBO, est-ce que je peux encore aller voir les banques ? Et si oui, pourquoi ? Et pour quel type de dette ? Et sinon, pourquoi ai-je besoin d'aller voir des fonds ? Et y a-t-il une différence de coût de dette entre la banque et les fonds ?
P-O.D : Tu as posé toutes les questions qui sont effectivement les points de distinction. Donc, comme nous l'avons dit, avant 2009-2010, 100 % du marché était dans les mains des banques traditionnelles. Aujourd'hui, il faut avoir en tête que plus de 70 % des montages de LBO dans le monde sont réalisés par des fonds de dettes privées. La réglementation Bâle III a impacté l'appétit des banques. Et aujourd'hui, nous allons voir les banques surtout pour des actifs assez traditionnels, des deals qu'on appellera "plain vanilla". Dès que c'est un peu plus compliqué ou qu'il s'agit d'un secteur que les banques connaissent un peu moins bien, elles sont beaucoup plus frileuses. Aujourd'hui, ce qui est intéressant, c'est que nous sommes dans un environnement où la visibilité sur l'économie est relativement difficile à lire, et donc, les banques sont très prudentes. Ainsi, une société qu'elles auraient financée il y a quatre ans avec 4 fois les résultats d'exploitation en dette, aujourd'hui, c'est plutôt 2 fois. Et donc, beaucoup de montages LBO ne fonctionnent pas avec seulement 2 fois de dette. Nous sommes donc obligés d'aller voir ces fameux fonds de dettes privées qui sont, entre guillemets, plus investisseurs dans l'âme. Ce sont plutôt des acteurs venant justement de la dette subordonnée, qui avaient des sièges au Conseil d'administration, donc souvent des parts de plus-value, même s'ils ne votaient pas. Ainsi, ils analysent la société avec un prisme un peu différent du pur banquier de financement, qui est beaucoup plus conservateur. Cela permet d'accéder à des quantums de dettes plus élevés, mais évidemment plus coûteux, tout en étant souvent nécessaires pour monter une opération. Et comme il s'agit de dettes unitranche, il n'y a pas de partie amortissable comme dans les montages bancaires, où une tranche A est amortissable et une tranche B peut être remboursée in fine. Ici, tout est remboursé in fine, donc seuls les intérêts sont à payer. Cela permet donc d'investir beaucoup plus dans le business et de créer davantage de valeur.
Quels sont les taux que nous sommes en droit d'attendre, soit pour les fonds lorsqu'ils prêtent de l'argent, soit pour l'investisseur lorsqu'il investit dans ce type de fonds ? Pourquoi avons-nous sélectionné cette stratégie aujourd'hui ?
P-O.D : Je ne vous l'aurais pas proposée il y a quatre ans, quand nous étions dans un environnement de taux d'intérêt négatifs ou nuls. Aujourd'hui, le niveau des Euribor et des Libor en absolu a été un peu corrigé depuis quelques mois, mais demeure néanmoins relativement élevé. Et puisque ces fonds se rémunèrent avec une marge additionnée à l'Euribor ou au Libor, les niveaux de rendement peuvent être intéressants.En tant que fonds, vous allez facturer des marges, dans certains cas, qui vont atteindre 8 %. Quand vous rajoutez la moyenne d'Euribor/Libor, vous pouvez être à 11-12 % de coupons d'intérêt. Et aujourd'hui, compte tenu du niveau de ces Euribor et Libor, nous offrons un produit qui peut rendre entre 8 % et 10 % nets dans la poche de l'investisseur en termes de TRI annuel.
Ce sont des fonds qui déploient sur quelle durée et qui restituent les fonds sur quelle durée ? Ça ressemble aux fonds de LBO eux-mêmes ?
P-O.D : Vous allez accompagner des fonds de LBO qui vont identifier une cible et qui vont chercher des fonds de dettes privées pour financer l'opération, donc la partie dette. Donc, effectivement, ce sont des fonds à tirage successif, comme des fonds de LBO. Vous allez déployer l'argent sur plusieurs périodes. En général, vous déployez sur 4-5 ans, comme un fonds de LBO, parce que vous allez accompagner des fonds de LBO dans ces opérations. La spécificité, c'est que souvent, quand un LBO se passe bien, le fonds d'investissement va chercher à refinancer la dette en cours de route. Il se dit : "Tiens, le résultat d'exploitation était à 20 M quand je l'ai acheté, maintenant, on est à 30. " Je vais pouvoir mettre plus de dettes. Et avec cette nouvelle dette, on rembourse la dette en place et, avec l'excédent, on peut investir dans le business. Quand vous êtes investi dans des fonds de dettes privées, souvent, dès l'année 4, on vous rembourse une partie du nominal ou le nominal des deals qui ont été faits, car les fonds ont refinancé. C'est pour ça que la durée de vie d'un fonds de dette privée est un peu plus courte. C'est 8 ans au lieu de 10 ans dans un fonds traditionnel de LBO.
Comment est-ce qu'on se prémunit de ce risque et qu'est-ce qu'on prend comme garantie quand on est un fonds de dette privée ?
P-O.D : Vous allez sélectionner les gérants que vous connaissez, ceux qui savent choisir les bons actifs et qui savent apporter beaucoup de valeur autour de la table. Ensuite, dans le cadre de notre fonds, nous avons une diversification sur à peu près 4 fonds. Nous avons 3 gérants, mais 4 fonds, et c'est 200 sociétés sous-jacentes. Parce que nous avons choisi des gérants qui chassent des proies différentes, il n'y a pas de risque de recouvrement. Déjà, quand vous avez 200 sociétés diversifiées d'un point de vue géographique et sectoriel, vous prenez évidemment moins de risques que lorsque vous accompagnez un seul gérant. Mais c'est aussi lié à la nature même de ces acteurs qui, comme je le disais, sont beaucoup plus investisseurs dans l'âme. Un fonds de dette privée met en place des ratios financiers. Si jamais le ratio financier est cassé, parce que, par exemple, vous êtes en dessous de votre performance, une lumière rouge s'allume, on se met autour de la table et on discute avec le fonds d'investissement pour trouver une solution afin de remédier à ce ratio cassé. Et si jamais le fonds se rend compte que le fonds d'investissement actionnaire ne fait pas ce qu'il faut, dans certains cas, bien que rares, ils vont prendre les clés, c'est-à-dire qu'ils vont, parce que la documentation les y autorise, prendre le contrôle de l'entreprise. Donc, ils s'assoient à la place du chauffeur, demandent au fonds de sortir et ce sont eux qui gèrent l'entreprise
Évidemment, dans ces cas-là, leur objectif est de rendre le nominal, mais souvent, ils rendent plus et génèrent ainsi une plus-value.
Sur ce fonds Archinvest Dette Privée 1, quel est le ticket d'entrée ? Où en êtes-vous en termes de levée et combien de temps reste-t-il ouvert ?
P-O.D : Le ticket minimum pour entrer dans le fonds Archinvest Dette Privée est de 100 000 €. Si vous êtes un investisseur ayant déjà investi dans des fonds professionnels, le ticket minimum est de 50 000 €. Aujourd'hui, il est déployé à plus de 50 %, donc un investisseur qui arrive aujourd'hui bénéficie déjà de nombreuses sociétés qui ont été achetées. Il se rapproche évidemment de la date à laquelle nous commencerons à lui rembourser les premiers nominaux. Et c'est un fonds qui devrait closer autour de septembre cette année. Parce que nous avons énormément d'appétit pour cette classe d'actifs qui, finalement, génère un rendement très intéressant avec une prise de risque très modérée, étant donné que vous êtes sur une dette principalement senior avec une grande diversification et des gérants ayant un track record sur une longue période.
La dette privée, c'est entre 8 et 10 % de rendement, une faible volatilité, des actifs assez bien protégés, on ne va pas parler de garantie, un investissement minimum de 100 000 €, et on a jusqu'à après l'été pour se décider à investir.